« Tu penses que ta vie est parfaite ? Je veux dire, as-tu l’impression que quelque chose te manque, ne serait-ce qu’un peu de légèreté? » me demanda Gabrielle alors que je finissais en vitesse mon café que j’avais pris chez elle entre ma sortie du bureau et la sortie d’école de mon plus jeune, Max. « Je pense que rien n’est parfait mais que rien ne me manque » répliquai-je de manière tranchante, un peu surprise par sa question. Je ne comprenais pas pourquoi elle me demandait ça alors que je ne m’étais jamais plainte de rien. Enfin pas à ce moment-là.
Cependant je dois avouer que ça m’a poussé, au moins pour un instant à m’interroger rapidement sur ma vie.
Je pense être une femme heureuse. J’ai un mari que j’aime et qui m’aime. Deux fils, Félix, six ans et Max, trois ans, un pug adorable, une belle maison agréable avec un grand jardin. J’ai un travail qui m’épanouit. Alors est-ce qu’il me manque quelque chose ?
Bien sûr, rien n’est jamais parfait tout le temps et il y a toujours des moments où je me sens nerveuse ou stressée.
Je ne connais aucune femme qui ne serait pas énervée par son chien qui aboie parce qu’il s’est retrouvé enfermé dans un piège destiné au Capitaine Crochet alors que le fils aîné qui l’a fabriqué pleure car il n’arrive plus à l’en sortir.
Et qu’à cet exact moment le plus jeune a réussi, on ne sait pas comment, à ouvrir le paquet de farine qui s’est répandu dans toute la cuisine, à la plus grande joie de celui-ci, ce qui le fait rire aux éclats alors qu’il saute dedans à pieds joints.
Ajoutez à cela le mari qui vous demande où se trouve sa cravate car il doit aller à un important rendez-vous… Et vous, vous ne savez tout simplement pas par où et par qui commencer. Vous commencez alors par vous laver vos mains pleines de beurre, car évidemment à ce moment-là vous étiez en train de préparer un gâteau.
Chaque femme a déjà connu au moins une fois ce genre de situation. Moi ça m’est arrivé la semaine dernière. Mais bon, c’est ça le quotidien. Quand ça passe il reste les bons moments et les bons souvenirs.
De l’autre côté, je suis enseignante et donc je passe aussi beaucoup de temps avec les enfants dans ma vie professionnelle. Même s’ils sont la plupart du temps intéressés par ce que je leur dis, parfois ils sont très bruyants et il m’arrive de rêver à la douce musique du silence.
Bien sûr que dans ces moments aussi je me sens nerveuse. Mais depuis mes années à l’université j’ai toujours eu l’habitude du stress. C’est pourquoi je me suis toujours débrouillée pour avoir du temps pour moi. Je mettais ma musique préférée, je me servais un bon verre de vin rouge…
Et juste quand j’en suis arrivée à cette pensée je me suis fait cette réflexion : mais en fait, je n’ai plus de temps pour moi !
Comment a-t-il disparu ? Probablement au fil des années. Les obligations ont augmenté et les moments libres ont diminué de plus en plus jusqu’à disparaître totalement sans que je m’en aperçoive.
« Merci Gabrielle » lui dis-je alors, enjouée, en sortant de son appartement. « C’est mon temps à moi qui m’a manqué ! » Elle a juste souri. À ce moment j’ai su pourquoi elle m’avait posé la question. Elle avait bien remarqué mais n’osait pas me le dire directement.
Je me suis alors dit que ce soir je ne préparerai pas comme à mon habitude le cours de demain, surtout qu’avec autant d’années d’expérience je pouvais bien le préparer demain avant le début des cours.
J’ai décidé de me consacrer un peu de temps. Mon mari devait aller chez des amis voir le hockey vers vingt heures et les enfants seraient au lit vers vingt-et-une heure. Il ne me restait plus qu’à me préparer une petite collation gourmande et de trouver dans la boîte qui se trouvait dans le grenier mon vieux CD.
Je suis vraiment du genre à penser que le bonheur est dans les petites choses simples. Je me suis coupé un peu de pain et une fine tranche de Saint Agur. Je me suis versé un bon verre de vin, j’ai mis du jazz sur l’ordinateur puisque je n’avais finalement pas pu trouver la boîte de CD et là, mon moment de détente a commencé.
Les notes divines sont venues accompagner l’exquis mélange du fromage et du vin.
Ce moment de luxe a exactement duré 40 minutes jusqu’à ce que j’entende des petits pas sur le parquet. Je me suis retournée et là, mon petit Max était debout devant moi, et tout en se frottant les yeux a marmonné : « Maman, j’ai fait un cauchemar ». Je lui ai alors souri et je l’ai pris dans mes bras avant de le ramener à son lit.
Je sais maintenant que mon temps à moi peut attendre, mais il est important de savoir qu’il ne doit pas totalement disparaître.
3 comments
J’aime bien cet article. 🙂
Moi ,, je capotte sur les fromage,,
Bonjour Yvan!
Eh bien… Nous aussi! 🙂